Ecrit par Noara Zerguine pour Resonantes
#CultureDuViol
Les violences sexuelles ont une particularité : ce sont les seuls délits et crimes qui font porter le poids de la honte sur la victime et non sur l’agresseur. On appelle ça l’« inversion de culpabilité ». Ce paradoxe est indissociable de la « culture du viol » qui imprègne notre société.
Cet ensemble d’idées reçues sur le viol, le violeur et la personne violée s’articule autour de trois axes :
Résultat : dans la majorité des cas, l’auteur de violences sexuelles ne se sent pas en faute, voire il ne comprend pas bien ce qu’on lui reproche. Il se vit comme une victime. Et à l’opposé, la victime, elle, se sent coupable : entre le « Tu l’as bien cherché » et le « Tu vas gâcher sa vie », elle culpabilise non seulement de s’être retrouvée dans la situation de subir une violence sexuelle, mais également de vouloir porter plainte contre son agresseur, d’autant que dans la grande majorité des cas, elle le connaît.
Le viol reconnu comme tel en 1980 !
Il faut savoir que la loi en France a longtemps envisagé le viol comme un « attentat à la pudeur » , une « atteinte aux mœurs », le considérant comme un crime relevant moins de la justice que de la morale. Ce n'est qu'en 1980 qu'il a été reconnu comme tel par la loi ! « Au Moyen Âge et pendant très longtemps, le viol, c’était quand une femme avait été agressée par un homme extérieur à la famille, car cela réduisait sa valeur marchande et c’était une « atteinte à la propriété », soit du père, soit du mari, explique Lena Alestra, autrice de Les hommes hétéros le sont-ils vraiment ? C’est encore le cas aujourd’hui. Beaucoup de gens ne savent pas que le viol conjugal existe. »(*) La justice, alors, ne prenait pas du tout en compte la violence subie par la victime. En revanche, son déshonneur était acté. C’est pourquoi, longtemps les victimes ont caché ce qu’elles avaient subi, parce que lorsque leur entourage l’apprenait, c’est sur elles que tombait le discrédit. Ainsi, dans son livre Honte (**), la journaliste et autrice Florence Porcel, première victime à avoir porté plainte contre Patrick Poivre d’Arvor, dénonce la portée politique de la honte : « Éviter que les groupes sociaux opprimés réclament des droits. »
Pour que la honte change de camp
Même si la loi a évolué, tout ce passif pèse encore aujourd’hui sur les victimes de violences sexuelles : elles ont honte, comme les y encourage la société. On comprend alors pourquoi la majorité d’entre elles ne parlent pas, ne portent pas plainte. Et on respecte leur silence. De même, on mesure l’immense courage de celles qui parlent, de celles qui portent plainte. Parce qu’elles bravent cette honte ancestrale. Si #MeToo a été une révolution, c’est d’abord parce que les femmes du monde entier ont bravé la honte qui pesaient sur elles pour dire : « Moi aussi, j’ai été victime de violences sexuelles, je ne le cacherai plus, je ne me tairai plus, je n’en ai pas honte, c’est à mon agresseur d’avoir honte. »
Le procès historique qui se tient depuis septembre 2024 à la cour criminelle du Vaucluse marque une grande étape dans ce sens. La victime, Gisèle Pelicot, qui pendant plus de dix ans a été livrée par son mari, Dominique Pelicot, à plus de 80 violeurs alors qu’elle était sous soumission chimique, a tenu à ce que le procès des viols de Mazan ait lieu en public, assumant son statut de victime. Les accusés, eux, avaient demandé à ce que le procès se tienne à huis clos, préférant cacher les actes ignobles qu’ils ont commis. Peu à peu la honte change de camp...
Références:
(*) In Médiapart, 14 septembre 2024.
(**) Honte de Florence Porcel, éd. JC Lattès, 2023.
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